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Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/107

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le manteau, et se mit à marcher lestement, témoignant sa reconnaissance à Dieu et au saint. L’événement s’ébruita bientôt au milieu du peuple ; tous ceux qui avaient des infirmes les apportaient chez le saint que les guérissait, en imposant les mains et priant pour chacun d’eux. Cependant la plus grande partie de ces cures merveilleuses s’opéra dans l’enceinte du monastère. Les malades transportés au tombeau du bienheureux Syméon, et oints avec la myrrhe qui découlait de ses restes sacrés étaient aussitôt rétablis. Tels furent les astres qui alors éclairaient la terre de Serbie, dont la puissance et la gloire retentissaient partout. Les princes étrangers, ses voisins, édifiés par les œuvres merveilleuses des saints de Serbie, cherchaient l’amitié de l’autocrate. Il y avait alors entre autres un prince, d’origine bulgare, parent de Kalo Joannes, roi de Zagorie et de Bulgarie (le même dont le royaume échut après sa mort à Borill), qui s’appelait Strézo, homme non moins célèbre par sa cruauté que par sa bravoure. Borill craignant qu’il ne lui ravit un jour sa principauté avec la vie, le persécutait et cherchait à le faire périr, ce qui obligea ce dernier de recourir à l’autocrate serbe Étienne. En prince aimant le Christ et compatissant aux malheurs d’autrui, Étienne fit un accueil plein d’affabilité à Strézo et à ceux qui l’accompagnaient. Il lui rendit des honneurs comme à un frère, et lui donna la ville de Prociek avec toutes ses dépendances, à titre d’usufruit (ougivanie). Lorsque Strézo fut devenu riche, bouffi d’orgueil, il se mit à exercer des actes de cruauté et d’injustice envers ses sujets. Il se construisit une demeure, au sommet d’un rocher, situé sur la grande rivière de Vardar qui coulait au centre même de la ville de Prociek. Le tyran y ayant fait établir une passerelle en bois, se donnait des spectacles étranges. Son amusement favori était de faire mourir les hommes. Toutes les fois qu’il était ivre, on le voyait assis à sa fenêtre, ordonnant pour la plus légère faute, de précipiter le délinquant du haut de son rocher. Tandis qu’un malheureux périssait ainsi, Strézo se pâmait d’aise, et, avec de grands éclats de rire, lui criait à tue tête : « Gare, gare, tu mouilleras ta pelisse ! » Le tzar Étienne ne tarda pas à apprendre ces procédés inhumains, et sa conscience de chrétien lui disait qu’il ne devait pas