Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/115

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lettre sur lettre au mont Athos, suppliant le saint frère de remédier à ce contre-temps, et de revenir consoler l’âme affligée de l’autocrate et celle de tous ses sujets. Ces messages étaient accompagnés de dons en espèces d’or et d’argent, pour distribuer aux pauvres. Hâte-toi de nous rejoindre, suppliait le tzar, et aide-nous par tes prières à obtenir l’écoulement de la myrrhe, ainsi que le retour des miracles et de la bénédiction de notre saint père Syméon. Au moment, disaient-ils, où votre sainteté nous a quittés, lui aussi nous a abandonnés. Nous voyons en esprit qu’il détourne de nous ses regards, car les saintes huiles et la puissance des guérisons, qui nous venaient de sa miraculeuse tombe, ont cessé de paraître, à cause de nos péchés. Nous avons beau prier le saint de nous rendre ses faveurs, il s’y refuse car nous ne nous sommes pas repentis de nos fautes. C’est pourquoi je te supplie, saint père, guéris ma douleur, taris mes larmes, aie pitié de mon âme ! Quoique, vu le grand nombre de mes péchés, je n’ose plus me donner le nom de ton frère, veuille bien te rappeler que nous avons eu les mêmes père et mère. Ô bien-aimé de Dieu, viens chez nous, toi que notre bienheureux père aimait mieux que nous tous. Peut-être, grâce à ton arrivée ici, le souverain Dieu daignera tourner sa face vers nous, et, cédant à tes prières, permettra que la sainte myrrhe émane comme autrefois des reliques de notre père bienheureux, ce qui nous rendrait très-joyeux, nous ses esclaves ! Le saint reçut la lettre et l’or. Il la lut, mais plongé dans les délices du silence, il ne voulait ni sortir de cet état, ni s’en sevrer pour rien au monde. Que lui importent la gloire et les honneurs humains qu’il haïssait ? Aussi ne fit-il aucun cas des prières ni des larmes de son frère, préférant l’amour de Dieu à l’amour fraternel. Cependant il adressa une lettre autographe à son père, comme s’il était encore au nombre des vivants. La voici : « Vu l’ordre de Dieu et nos supplications, père bienheureux, daigne oublier que nous avons péché contre Dieu, en te désobéissant. Par la grâce que tu tiens du très Saint-Esprit, laisse couler la sainte myrrhe à présent comme autrefois ! Que tes enfants s’en oignent et que les hommes se réjouissent en Dieu ! Qu’ils ne dépérissent plus d’affliction. Te souviens-tu lorsque tu étais encore dans la chair, tu