Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/127

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abattement et réconforta son âme par ces paroles : Pourquoi t’affliger ainsi ? ne suis-je pas ton aide et ton garant auprès du souverain Dieu, mon fils ? Sus, relève-toi de ta langueur, et aborde courageusement l’œuvre pour laquelle Dieu t’a choisi. Plus d’hésitations, et tout ira bien, tout réussira par la grâce du Très-Haut. Le saint, remis du trouble que lui causa cette vision, sentit son cœur déborder d’aise et de joie ineffable ; ses larmes témoignèrent sa gratitude envers Dieu et la très-pure mère de Dieu, et rassuré dans ses espérances, il poursuivit son chemin avec allégresse. Arrivé dans la ville de Salone, il alla embrasser le métropolitain et l’éparque, puis alla se reposer dans son monastère de Philocali. Ayant fait venir un peintre habile, il lui commanda deux tableaux, l’un représentant Jésus-Christ, l’autre la très-pure mère de Dieu, d’après les dimensions qu’il avait vues en songe pendant son voyage. Pour en perpétuer le souvenir, il le fit orner et enchâsser d’argent, d’or, de perles et de pierres précieuses, et le plaça dans le monastère de Philocali. Ayant achevé tout ce qui était nécessaire à sa grande église, il reprit la route de sa patrie, reconduit jusqu’aux portes de la ville par le métropolitain, l’éparque et les premiers magistrats de Salone. Il dépêcha un messager pour prévenir de son arrivée le tzar Étienne qui l’attendait depuis longtemps. Aussi reçut-il la nouvelle de la venue de ce frère chéri, avec d’autant plus de bonheur qu’il apprit en même temps que saint Sabba avait été revêtu de l’autorité archiépiscopale. L’autocrate en rendit des actions de grâces à Dieu, et comme il souffrait d’une maladie cruelle, il envoya à sa rencontre ses fils avec les évêques et les seigneurs de la cour. Ils s’avancèrent jusqu’à la ligne des frontières grecques, où ils eurent la joie de rencontrer et recevoir leur oncle paternel, selon la chair, leur maître et père selon Dieu. Tous se prosternèrent à ses pieds sacrés, baisèrent ses mains archiépiscopales, et le conduisirent avec de grands honneurs chez le tzar leur père. Celui-ci, malade et pouvant à peine marcher, soutenu par les autres, vint l’embrasser, et avec la bienvenue du saint tous ses chagrins se convertirent en allégresse. Le saint se fit donner de l’eau qu’il bénit lui-même et dont il aspergea son frère. Puis il lui en donna à boire, lui