Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/13

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et les autres Justes qui te demandaient de leur accorder des descendants ; dans ta clémence, Seigneur, daigne nous envoyer aussi un enfant ! Fais qu’après avoir imposé nos mains sur lui, et avoir invoqué ta divine bénédiction, nous puissions avoir en lui notre héritier, l’héritier des royaumes dont tu nous as gratifiés ! Donne-nous-le, et à compter du moment de la conception de l’enfant, jusqu’à la fin de notre vie, nous te promettons, ô notre Dieu, de vivre séparément et dans une chasteté parfaite ! »

Le Seigneur, qui est toujours près de ceux qui l’invoquent, agréa le vœu en leur accordant le fruit de nature : la tzarine accoucha heureusement d’un garçon (en 1169). Ils s’en réjouirent beaucoup, et, pénétrés de reconnaissance, ils glorifiaient Dieu pour avoir daigné exaucer leurs prières. Cet enfant tant désiré, au moment d’être régénéré par le saint baptême, reçut le nom de Rastko[1], afin qu’il pût grandir dans le bien du Seigneur. Lorsqu’il fut sevré, ses parents le confièrent aux soins des savans pour lui apprendre à lire dans les livres sacrés. Il y réussit à merveille, car c’était un enfant d’une perception rapide, naturellement gai, d’une figure charmante, aimé de tout le monde et adoré de ses parents. Rien qu’à le voir on se sentait l’âme réjouie, et l’on se disait l’un à l’autre : certes, ce sera l’homme le plus éminent de son pays. À l’âge de quatorze ans, son père lui donna à gouverner une province de l’empire, et attacha à son service des hommes capables non-seulement de lui faire apprendre les choses indispensables à tout homme qui doit régner un jour, mais aussi la morale, l’amour du vrai et la miséricorde. Grâce à ces maîtres habiles, Rastko, éclairé par le Saint-Esprit, reconnut que le commencement de la vraie sagesse, c’est la crainte de Dieu. Il évitait tous ces divertissements désordonnés qui énervent l’âme et le corps, ne recherchant que Dieu, son but unique ; il y faisait converger toutes ses pensées, soit qu’il assistât aux prières dans des sanctuaires, avec tous les sentiments de dévotion, de crainte de Dieu et d’humilité, soit qu’il méditât les merveilles de la commisération du Fils de Dieu envers les hommes, soit enfin qu’il voulût y conformer sa vie, absorbé dans la contemplation de la

  1. Du verbe rasti, croître, grandir.