Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/29

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peine que le vaïvode parvint à apaiser l’émeute ; après quoi, il dit à l’égoumène : « Quelle est cette perfidie que vous venez de commettre, ô pères révérends ? Quel méfait nous a valu une pareille insulte ? Comment avons nous mérité le tour indigne que vous venez de nous jouer ? Tout en respectant l’ange dont vous êtes l’image, nous méprisons votre malice diabolique. Nous avons été respectueux et bienveillants envers vous, nous vous avons traités avec autant de magnanimité que de cordialité. N’est-ce pas de votre part qu’est venu en Serbie ce fripon digne de mort (en montrant au doigt un des moines) ? Il commença par nous demander l’aumône, et ensuite il outragea le tzar qui vous a comblés de dons. Il suborna le fils dans les bras de son père et s’enfuit avec lui. Par cet instrument de votre insatiable perfidie, vous avez flétri ses parents, vous les avez abreuvés de mortelles larmes, et en même temps vous nous avez exposés à des peines affreuses inutilement endurées. Ici même et sous nos mains, après avoir perfidement soustrait notre maître, vous proposez-vous de le retenir plus longtemps encore dans les filets (la gorge) de vos infâmes intrigues ? Dans votre égoïsme présomptueux et votre sainteté supposée, présumez-vous être au-dessus de toutes les lois et en dehors de l’accomplissement des devoirs humains ? N’est-ce pas vous qui, vous abritant derrière la sainteté et l’innocence inhérentes à l’état sacerdotal, pensez pouvoir impunément commettre toutes les abominations ? Qu’y a-t-il donc de sacré pour vous, si vous osez même tromper votre propre tzar si impudemment ? Où pensez-vous aboutir par toutes ces machinations effrontées ? Est-ce une insulte ou un défi jeté à la face de votre souverain ? Ou bien prétendez-vous que nous nous résignerons à subir tant de fatigues en pure perte, et que nous frapperons l’air, sans trouver notre maître pour l’emmener avec nous ? Non, nous vous l’arracherons[1] lors même que vous persisteriez à nous cacher où il languit. Sachez que votre vie à tous est en notre pouvoir ! Voici ce qui vous donnera la mort ! Avec le tranchant de ce glaive, je faucherai vos têtes ! Ce fer saura bien affranchir le prince de votre violence

  1. Vyborim eho : « Nous l’aurons à force de lutter. » Le dictionnaire de l’Académie de Saint-Pétersbourg ne donne que le primitif borotsia, lutter.