Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/35

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évasion sain et sauf, et puis en m’arrachant ici de vos mains. Vous voulez me faire échouer dans la poursuite d’un but méritoire et que je convoite ardemment. Vous désirez vous glorifier devant votre souverain de m’avoir fait revenir sur mes pas. Mais ce Dieu sur lequel j’ai compté, en fuyant la maison paternelle, fut mon aide et mon sauveur. Selon sa volonté suprême et sainte, il continuera de pourvoir à mes besoins. Quant au gouvernement et au bien-être auxquels la nation, me dites-vous, s’attend de ma part, ô mes amis, j’aurais beaucoup de choses à vous dire là-dessus. Élevé à la cour et sur le sein de mon père, j’eus maintes occasions d’assister à son action gouvernementale. J’ai vu quels immenses quantités de devoirs doit remplir le souverain à chaque heure du jour. Quelles entraves et quels lourds fardeaux ne rencontre-t-il pas sur son chemin ? Les premiers d’entre ses serviteurs n’hésitent pas à lui dissimuler habilement la vérité. Le bonheur de tant de milliers d’hommes relevant du tzar, que répondra-t-il devant Dieu s’il a négligé un seul des devoirs de souverain ? C’est par une sagesse surhumaine, un amour ardent pour le prochain, un travail assidu, et à force de veilles et de labeurs, de jour et de nuit, qu’on y réussit. Le tzar qui aime ses sujets comme ses enfants et remplit convenablement ses devoirs doit ou être partout, voir tout, et tout entendre par lui-même, ou avoir plusieurs serviteurs qui, en amis zélés et dévoués, n’aient devant les yeux que le bonheur de tous. Or, comme il est très-souvent presque impossible de pourvoir à l’un et à l’autre, il ne reste au prince qu’à opter entre les deux extrémités, ou ne pas s’inquiéter de la prospérité de ses peuples, ou se résoudre à mener cette vie d’au jour le jour, à travers d’incessantes sollicitudes, partagée entre le désir et la crainte, l’espoir et la séduction, la colère et l’affaissement. Quant à moi, avant de consulter mes penchants naturels, j’avais mis à l’épreuve mes forces et mes moyens. J’avoue que je ne les ai pas trouvés suffisants pour porter le poids immense de la gestion des affaires publiques[1]…… Ne croyez pas que

  1. Nous conservons ces points, ici et ailleurs, parce qu’ils désignent probablement le lieu des passages supprimés ou abrégés par l’évêque Givkovitch.