Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/39

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tant, visiter la montagne sainte. Ainsi serai-je de nouveau réuni à vous, et réjoui du bonheur de vous contempler, d’honorer votre vénérable et sainte vieillesse, de savourer les délices de la douceur de votre amour paternel, et, j’aime à l’espérer, de voir peu à peu votre douleur (morsure de serpent) diminuer et enfin disparaître. Je vous supplie de ne point vous affliger de mon sort. Ne me croyez pas perdu, mais félicitez-vous plutôt de ce que j’ai échappé à la perdition, et souvenez-vous de moi dans vos prières, afin que, grâces à elles, Dieu daigne me donner la force de parachever ma course ; autrement, vous ne me verrez plus vivant auprès de vous. Chers parents, à votre tour, prenez soin du salut de vos âmes…… » Il ajouta quelques réflexions tirées des textes évangéliques, touchant l’humilité, l’amour de la paix, la vérité et le Jugement, finissant ainsi son message : « Ne faites pas aux autres ce qui vous est pénible et ce qui n’est pas désirable pour vous-mêmes. »

Le vaïvode et ses nobles compagnons, ayant recueilli les cheveux, les vêtements et reçu le message du tzarévitch, dont la résolution fut implacable et inébranlable, se tournèrent vers lui les yeux pleins de trouble, s’écriant : « Malheur à nous, infortunés que nous sommes ! Pourquoi faut-il, ô notre Seigneur, qu’en te retrouvant nous soyons plus affligés qu’au jour de ta fuite ? Et vous, dépouilles chéries, vêtements du bien-aimé (désiré), objet de tant de regrets, comment vous emporter ? Comment vous faire voir aux parents, aux frères qui redemanderont leur fils et leur frère ? Ô cheveux chéris ! vous qui, jadis, délectiez les yeux et le cœur de la famille, comment nous résoudre de vous les offrir, vous des larmes, du trouble et du désespoir des parents ? Comment les porterons-nous, et quelle récompense nous en reviendra-t-il ? Notre festin de la dernière nuit n’était que dérision au lieu d’une réjouissance. Tu nous as trompés, comme Jacob trompa Ésaü pour hériter de la bénédiction paternelle. La coupe qu’hier encore, ô Seigneur, tu remplissais d’un vin généreux, était plus douce que le miel et débordait de plaisir ; aujourd’hui elle est remplie de fiel et d’absinthe ! Fatale nuit où, enivrés de plaisirs empoisonnés, nous nous endormîmes ; puisses-tu