Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/47

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conduit au faîte des vertus contemplatives ; à plus forte raison, ajoutait-il, toi qui ne sais pas encore lutter corps à corps avec Satan. Chaque œuvre a son temps pour être bonne, utile et agréable à Dieu. Ignores-tu donc que partout l’on connaît déjà ton illustre origine ? Si tu étais attaqué dans ton désert, c’est à nous quoique innocents que l’on s’en prendrait, à cause de ce désir téméraire. Il n’y a pas longtemps que nous avons subi pour toi tant d’humiliations et d’ennuis ! Ne fais donc pas cela, reste avec nous et tu ne t’en trouveras que mieux. Le saint obéit à l’égoumène, et lui répondit : Que la volonté de Dieu repose sur nous ! Tout le monde l’aimait et l’admirait pour son humilité. Il passait ses journées à aider les frères dont il faisait l’ouvrage, et passait la nuit en prières qu’il récitait chaque heure, se privant de sommeil. Son manger et son boire n’étaient que du pain sec et de l’eau, encore en usait-il fort modérément, pour dompter les révoltes du corps, émoussant et brisant ainsi l’aiguillon de la chair. En hiver, il souffrait beaucoup, car il ne portait qu’un léger vêtement de crin et marchait toujours sans chaussures. La plante de ses pieds s’était durcie au point qu’il ne craignait plus de se heurter aux cailloux. L’égoumène et tous les prêtres, témoins de ces abstinences et mortifications dont il harcelait son corps délicat, en étaient fort étonnés. Émerveillés d’un changement aussi prompt que parfait dans ses habitudes, ils admiraient le zèle qu’il montrait pour cette rude vie monacale, lui fils de roi, qui avait été élevé et avait grandi dans le luxe et l’abondance. Interrompons un instant notre histoire du jeune prince, pour dire quelques mots de ses dignes parents. Le vaïvode et ses nobles compagnons de voyage, d’abord n’ayant pu atteindre le saint comme nous l’avons raconté, puis trompés par lui dans le monastère, et n’ayant réussi à rien, revinrent à la cour de ses parents, les mains vides. Ils leur redisent toutes les particularités qui concernent leur fils, et produisent les vêtements et les cheveux du jeune Rastko, ainsi que la lettre écrite de sa main. En présence de ses parents et de ses frères, des seigneurs et de tous les assistants, la lettre est ouverte et lue. On y apprend l’histoire étrange du jeune tzarévitch. Les parents, comme frappés au cœur d’un coup d’épée, tombent par terre sans