Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/55

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ment et comme dégrisés, ils se demandaient l’un à l’autre : que nous est-il donc arrivé ? comment avons-nous été assez déraisonnables pour laisser partir sans rançon ce jeune homme et tous les siens ? Il est certainement ou un sorcier ou un homme de Dieu, pour échapper ainsi sain et sauf. Allons sur la montagne, et sachons s’il est réellement disciple du vénérable Macaire, dont le nom est célèbre et connu dans le monde. Ils montent donc chez le saint vieillard, et y trouvent le jeune moine près de son maître. S’étant recommandés aux prières du vénérable vieillard, et ayant reçu sa bénédiction, les brigands furent invités à s’asseoir. Le vénérable père leur offrit tout ce qu’il avait dans sa cellule : des fruits du désert, des olives et du pain, qu’il leur servit hospitalièrement lui-même, alimentant aussi leurs âmes de paroles pleines d’onction et de bonté. Touchés de ces marques de bienveillance du saint vieillard, les corsaires l’âme émue ne savaient que devenir. Ils auraient préféré être foudroyés ou engloutis dans les entrailles de la terre, plutôt que de se trouver indignes de l’estime de cet homme de Dieu. Cependant, pour se bien convaincre, ils demandèrent à saint Macaire : Pour l’amour du Christ, dis-nous, saint Père, ce jeune homme est-il réellement ton disciple, car aujourd’hui même nous avons vu quelques signes augustes à son sujet ? À la mention d’un miracle relatif au jeune Sabba, on vit les larmes inonder la vénérable figure du vieillard, qui leur dit : Mes enfants, il est moine, disciple de Dieu, et par conséquent notre frère. Quant à son origine, il est fils de l’orthodoxe tzar de Serbie. Il a quitté son père, il a méprisé le royaume, la gloire terrestre, les richesses, toutes les pompes de ce monde passager. Pour l’amour du Christ, il se plaît à vivre avec nous dans la pauvreté. Vous l’avez vu véritable envoyé de Dieu, et parcourant ce désert, les montagnes, les cavernes et les précipices de la terre. Pour l’amour du Christ, il visite et console ceux qui souffrent. Les pirates entendent les paroles du vieillard et sont étonnés de ses larmes. Ils reportent leurs regards attendris sur le jeune homme ; ils le voient humble et contrit ; lui, descendu volontairement de telles hauteurs à une telle indigence. Dans son amour spontané pour Dieu, il se revêt d’une misérable tunique de crin. Sa manière de voyager à pied, sans