Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/75

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frères de Vatopède. Avisez-y et aidez-moi de vos conseils, leur dit-il. L’égoumène et les frères, bien qu’affligés de l’idée de devoir se séparer un jour de leurs bienfaiteurs, n’avaient rien de plausible à objecter. Le bienheureux Sabba se rendit pareillement à Carey, chez le prote du lieu, et lui fit part de tous ces détails. Celui-ci, trouvant l’affaire conforme à la volonté divine, répondit : Puisque vous entreprenez une œuvre pour l’amour de Dieu, libre à vous d’opter entre les différents moyens de la conduire à bonne fin. Il y a plusieurs monastères ruinés dans la montagne sainte ; or, vous pouvez restaurer celui qui vous plaira, et affecter à l’usage tout spécial de votre patrie, soit Khilandar qui vous a été donné antérieurement par notre empereur, soit tout autre couvent que vous auriez choisi à votre convenance. Sabba, de retour chez son père, lui raconta avec combien d’amour le prote de Carey accueillit leur demande. Le vieillard, mû par les sentiments d’un zèle ardent, voulut voir par lui-même la place où, Dieu aidant, ils devaient faire construire leur monastère. Mais se trouvant tellement affaibli par la vieillesse et les jeûnes, qu’il ne pouvait plus se tenir à cheval, saint Sabba lui prépara un lit suspendu entre deux chevaux tranquilles et l’y fit asseoir commodément. De toutes les localités qu’ils visitèrent ainsi, aucune ne leur plut à l’égal du monastère abandonné de Khilandar ; ils firent part de leur projet à l’égoumène et aux frères-moines. Ceux-ci, mus par les sentiments d’affection d’un accord unanime, s’empressèrent de leur abandonner Khilandar, formalité indispensable à remplir, parce que ce monastère fut d’abord donné aux princes par l’empereur Alexis, et ils l’avaient ensuite cédé à Vatopède. On convint en même temps entre eux, qu’à l’avenir Vatopède et Khilandar, unis par des liens d’amour, ne feraient qu’un couvent, et qu’ils n’auraient qu’un même Père, savoir Sabba, avec Syméon et leurs successeurs. Alors ils écrivirent à l’autocrate Étienne, pour leur annoncer leur résolution de faire bâtir un monastère, qui leur appartînt en propre à eux-mêmes, aux descendants de leur famille et à toute la nation Serbe. Tu le possèderas, disaient-ils, et tes fils après toi, jusqu’à la consommation des siècles. À la réception de ces nouvelles, l’orthodoxe ami du Christ, le grand kniaze et autocrate de Serbie,