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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/204

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Journal

Le païs embellit à veuë d’œil. Nous côtoyons des villages, qui ont une demi-lieue de long. Il y a de temps en temps de grands canaux bordez d’arbres couverts de ſinges & de perroquets. La riviere a partout un quart de lieuë de large, ſouvent davantage ; & de grandes campagnes de ris. Mais on ne voit point de bateaux ſur cette grande riviere ; pas un petit pêcheur, & preſque perſonne dans les villages. J’eſtois ſcandaliſé de cét affreux deſert : mais M. de Metellopolis m’a appris qu’ordinairement la riviere eſt couverte de bateaux, & que les villages ſont fort peuplez ; & que ſi nous ne voyons perſonne, c’eſt par reſpect pour ſon Excellence. Ils en uſent ainſi quand le Roi paſſe, & l’on ne voit jamais que ceux qui n’ont pas eu le temps de ſe cacher.

Il y a deux jours que nous n’avons mangé de pain : grande chere, beaucoup de viande, & du ris. Manger une bouchée de viande & une bouchée de ris, cela eſt bien triſte à qui n’aime pas le ris : il faut pourtant en paſſer par là. J’oubliois à vous dire que nos rameurs rament en cadence. Leur comite eſt bon muſicien : il chante, & ne fait que cela. Les autres rament & chantent, rediſent tout ce que le comite dit, & ſur le même ton. Les accords ſont parfaits, & l’on voit, dans le même inſtant cent voix s’accorder parfaitement avec cent rames.

M. Conſtance eſtoit encore ici ce ſoir : il ſort