Le Roi alla hier à une grande fête dans un pagode : Dieu veuille qu’il l’ait fait par politique pour cacher ſa marche. Les Talapoins ſont ici dans une grande conſidération. Il y en a conſtamment dans le royaume plus de cent mille ; & quand le Roi voudroit ſe faire Chrétien, il auroit bien des meſures à garder pour le bien même de la Religion.
M. Conſtance eſt revenu dans un balon magnifique que le Roi lui a donné. Il n’en avoit point encore eu d’une ſi grande dignité ; & quoi-que le Roi lui en euſt voulu donner plus de vingt fois, il les avoit toujours refuſez par modeſtie. Mais en cette occaſion qu’il s’agit de traiter avec l’Ambaſſadeur du Roi, il a creu qu’il y alloit de l’honneur de ſon Prince d’honorer ſon Miniſtre, & a tout accepté. Il vient de régler avec M. l’Ambaſſadeur toutes les cérémonies de l’entrée & de l’audiance ; & il nous a fait voir clairement que jamais on n’avoit fait de ſi grands honneurs à Siam aux Ambaſſadeurs de la Chine, ni de Perſe, ni d’aucun autre païs.
Il y a eu une grande difficulté. M. Conſtance vouloit faire porter la Lettre du Roi en triomphe dans un balon, route ſeule, & qu’enſuite on la miſt entre les mains d’un des grands Mandarins du Royaume, pour la porter encore en triomphe dans la ville & dans les cours du palais. M. l’Ambaſſadeur ne vouloit point lâcher ſa Lettre, &
