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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/226

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Journal

dire en ce païs-ci. La marche eſtoit toujours la même. Nous ſommes enfin arrivez au palais de ſon Excellence, au milieu d’une foule incroiable de peuple : on ne voioit que des têtes. La ville eſt aſſurément fort peuplée ; mais ce n’eſt pas encore Paris. La cour de ce palais eſt grande, & fort gaye. A droite eſt un grand lieu à colonnes, qui eſt magnifique & galant : le haut eſt peint d’un jaune, qui paroît or : les murailles ſont blanches, toutes pleines de niches où il y a des porcelaines ; ce jaune, ce blanc, & ce bleu ſe marient fort bien enſemble. Il y aura dans deux jours une fontaine jailliſſante : on travaille nuit & jour à un petit réſervoir qui fournira l’eau. Voyez par là ſi ces gens-ci oublient quelque choſe. A gauche eſt le corps de logis. M. l’Ambaſſadeur y a une antichambre, une chambre, des garderobes, une gallerie, & une fort belle terraſſe : j’y ai une fort jolie chambre. La chapelle eſt grande ; & nous avons, dit-on, la conſolation d’y voir tous les jours des turbans Chrétiens. Il faut que je vous aime bien d’écrire ſi long-temps, eſ tant auſſi las que je le ſuis. Les honneurs coûtent cher. J’ai porté la Lettre du Roi ; les Siamois me regardent avec reſpect : mais je l’ai portée plus de trois cens pas dans un vaſe d’or, qui peſoit cent livres, & j’en ſuis ſur les dents. En arrivant M. l’Ambaſſadeur a fait diſtribuer quatre cens piſtolles en pieces de trente ſols, aux balons qui l’ont amené