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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/356

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Journal

loger & nourrir leurs prêtres, qu’ils diſent eſtre les diſciples de Ckodom : & en faiſant cela ils eſperent de devenir dieux, & dans la ſuite eſtre anéantis. Les Talapoins, par un extérieur modefte, & une vie fort réglée, les entretiennent dans ces ſentimens. Ils ne font aucun ſacrifice, ni oraiſon, puiſqu’ils ne reconnoiſſent point de dieu auquel ils puiſſent adreſſer leurs prieres. Ils chantent ſeulement quelques hiſtoires fabuleuſes entremêlées de ſentences. Ils chantent aux enterremcns : Nous devons tous mourir, nous ſommes tous mortels. Ils ont une eſpece de confeſſion : car leurs novices vont au ſoleil levant ſe profterner ou s’aſſeoir ſur leurs talons, & marmoter quelques paroles ; aprés quoi le plus vieux Talapoin leve la main à côté de la jouë du novice, & lui donne une eſpece de bénédiction. Quand ils prêchent, ils exhortent à la pratique de la vertu, & à donner l’aumône aux Talapoins. Ils paroiſſent fort ſçavans dans leurs ſermons, quand ils citent quelque paſſage de leurs livres anciens, qui font en langue Bali. Ce Bali eſt comme le Latin parmi nous. Ils ne ſont point fondez, n’ont point de rentes, & ne vivent que d’aumônes. Ils vont tous les matins ſe préſenter devant la porte ou balon des gens qu’ils connoiſſent, & ſe tiennent-là un moment avec une grande modeſtie, ſans rien dire, un éventail à la main qui les empêche de voir les femmes. Ils attendent, s’ils voyent qu’on ſe