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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/369

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du Voyage de Siam.

Comme le Royaume de Cochinchine s’eſt établi & ſe maintient par la guerre, la diſcipline militaire y eſt fort bien obſervée. Il n’y a point de vaiſſeaux, il n’y a que des galeres : il y en avoit cent trente & une en l’année 1679. C’eſt toujours le premier prince préſomptif héritier de la Couronne qui les commande.

Chaque galere a trente rames de chaque côté : il n’y a qu’un homme à chaque rame. La poupe & la proue ſont libres, & c’eſt le poſte des officiers. Il n’y a rien de ſi propre. Le dehors de la galere eſt d’un vernis noir, & le dedans d’un vernis rouge où l’on ſe mire. Toutes les rames ſont dorées. Les rameurs, qui ſont auſſi ſoldats, ont à leurs piés un mouſquet & un poignard, un arc & un carcois. Il leur eſt défendu ſur peine de la vie de dire une parole. Ils doivent toujours regarder leur capitaine, qui par le maniment de ſa baguette leur fait exécuter tous ſes ordres. Tous les rameurs rament debout, la face tournée vers la proue où eſt le capitaine. Tout y eſt tellement d’accord, qu’un maître de muſique ne ſe fait pas mieux entendre à tous ſes muſiciens en batant la meſure, qu’un capitaine de galere de Cochinchine ſe ſçait faire obéïr au mouvement de ſa baguette ; car ſans ouvrir la bouche, il fait avancer, reculer, tourner, tirer de telles armes qu’il lui plaît, tout l’exercice eſtant reglé ſuivant les meſures de ſa baguette.

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