Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/123

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n’avoir plus d’ames que pour admirer la richesse de ses expressions, la noblesse de ses sentimens, et la manière impérieuse dont il manioit la raison humaine.

M. Racine entra, pour ainsi dire, dans leur cœur et s’en rendit le maître ; il y excita ce trouble agréable qui nous fait prendre un véritable intérêt à tous les événements d’une fable que l’on représente devant nous ; il les remplit de cette terreur et de cette pitié qui, selon Aristote, sont les véritables passions que doit produire la tragédie ; il leur arracha ces larmes qui font le plaisir de ceux qui les répandent ; et peignant la nature moins superbe peut-être et moins magnifique, mais aussi plus vraie et plus sensible, il leur apprit à plaindre leurs propres passions et leurs propres foiblesses, dans celles des personnages qu’il fit paroître à leurs yeux. Alors le public équitable, sans cesser d’admirer la grandeur majestueuse du fameux Corneille, commença d’admirer aussi les graces sublimes et touchantes de l’illustre Racine.

Alors le théâtre françois se vit au comble de sa gloire, et n’eut plus de sujet de porter envie au fameux théâtre d’Athènes florissante : c’est ainsi que Sophocle et Euripide, tous deux incomparables et tous deux très-différens dans leur genre d’écrire, firent en leur temps l’honneur et l’admiration de la savante Grèce.

Quelle foule de spectateurs, quelles acclamations