Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/154

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exacte dont nous ne saurions plus nous passer, mais que par une espèce d’ingratitude, nous nommons le génie de notre langue, pour ne la pas nommer votre ouvrage.

Qu’on voie cependant quel étoit avant vous le génie de la langue françoise ; elle a aimé l’enflure dans Ronsard, les pointes et la licence dans Théophile, le faste des hyperboles dans les uns, la fausse plaisanterie dans les autres, le désordre presque dans tous : les auteurs même les plus sensés n’avoient pas seuls assez de force pour secouer, avec persévérance, le joug du mauvais goût ; il falloit une compagnie qui, par le concours des lumières, établît des principes certains, rendît le goût plus fixe, disciplinât le génie même, et en assujettît les fougues à la raison.

Voilà la gloire, Messieurs, de votre illustre fondateur, il a prévu les fruits de votre établissement ; il a senti que les plus grands génies, abandonnés à leur goût particulier, s’égareroient toujours par quelqu’endroit ; mais que réunis, ils seroient les maîtres les uns des autres, et que de tant d’esprits, enrichis réciproquement de leurs lumières, il ne se formeroit bientôt qu’un seul esprit, dont les vues seroient plus vastes et les jugemens plus uniformes, capables enfin d’atteindre à la perfection et d’en donner des règles.

C’eût été trop peu pour ce sage Ministre, dévoué aux intérêts de son pays, de ne lui procurer que la sureté et l’abondance ; il voulut, par