Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/158

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il mérita plus d’une fois la noble jalousie de son frère qui eut la générosité de la lui avouer ; tendre et pathétique, il fit couler pour quelques-unes de ces héroïnes, des larmes que quarante ans de succès n’ont pas encore épuisées.

Mais s’il sut peindre heureusement les majestueuses douleurs de la tragédie, le badinage et les jeux instructifs du comique ne lui furent pas moins familiers : et ce qui le distingue dans les deux genres, c’est qu’il y posséda souverainement le don de l’intrigue et des situations ; peut-être ne connoîtroit-il point de maître au théâtre, si sa féconde facilité, si la foule de ses grands desseins lui eût laissé le soin scrupuleux du détail.

Combien d’ouvrages, cependant, devons-nous à cette heureuse fécondité ! Ces traductions, ces remarques sur la langue, ces dictionnaires, travaux immenses qui demandent d’autant plus de courage dans ceux qui les entreprennent, qu’ils ne peuvent s’en promettre un succès bien éclatant, et que le public qui prodigue toujours ses acclamations à l’agréable, jouit d’ordinaire avec indifférence de ce qui n’est qu’utile.

Vous ne me pardonneriez pas, Messieurs, de n’envisager mon prédécesseur que par ses talens ; je dois le regarder par ses vertus, l’objet indispensable de mon émulation.

Sage, modeste, attentif au mérite des autres, et charmé de leurs succès ; ingénieux à excuser