Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/430

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après elle. Les peuples ne voyoient donc que des objets de terreur et de désespoir lorsque, succombant sous leurs calamités, ils crurent que la fin du monde pouvoit seule en être le terme, et ils jugèrent que tout la leur annonçoit. Alors commençoient les querelles entre le Sacerdoce et l’Empire, et bientôt après les Croisades portèrent en Asie les inquiétudes et les vices de l’Europe.

Cette double époque est remarquable : c’est le temps où les désordres sont à leur comble, et c’est aussi celui où les causes qui préparent un meilleur ordre de choses commencent à se montrer.

L’Europe étoit un corps vicié jusques dans les principes de la vie. Il falloit l’affoiblir, pour lui faire un nouveau tempérament : c’est à quoi les Croisades contribueront.

Elle étoit viciée, parce qu’elle étoit ignorante et superstitieuse, il falloit donc l’éclairer : ce sera l’effet des querelles entre le Sacerdoce et l’Empire. Mais les siècles passeront avant que cette révolution soit achevée, parce que moins les préjugés trouvent d’obstacles quand ils se répandent, plus on en trouve quand on les veut détruire. Pour les attaquer avec succès, il faut avoir appris à les combattre, il faut même trouver dans les esprits des dispositions favorables ; il faut qu’ils soient préparés de loin, et qu’ils aient adopté, sans en avoir prévu les conséquences, des maximes avec lesquelles leurs préjugés ne pourront plus subsister.