Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le faux savoir fût enseveli sous les ruines du trône qu’il avoit usurpé. Cette révolution n’étoit pas prochaine ; le peuple et la noblesse, également plongés dans les ténèbres de la superstition, aimoient à rester dans celles de l’ignorance ; et le clergé, dont les lumières n’étoient pas encore en proportion avec le zèle, sembloit craindre les études profanes, comme si elles eussent été contraires à la foi. Cependant, dès le commencement du quatorzième siècle, on pouvoit prévoir la révolution : le goût qui naissoit en Italie en étoit le présage ; le Dante, Pétrarque et Boccace florissoient.

La raison se développe sans effort, tant que nous l’exerçons sur des objets peu compliqués ; mais impuissante par elle seule à manier les autres, elle est comme nos foibles bras, elle a besoin de leviers. Ce n’est qu’à la force de méthodes qu’elle nous élève à des connoissances ; et si elle ne s’en fait pas, nous nous égarons d’autant plus que l’erreur a souvent pour nous plus d’attraits que la vérité. Voilà pourquoi les progrès de l’art de raisonner ne peuvent être que fort lents.

Il n’en est pas de même du goût, il se développe de lui-même aussitôt qu’un peuple commence à s’éclairer. Il est proprement l’aurore du jour qui va luire, et il prépare l’entier développement de toutes les facultés de l’ame. C’est que les choses dont il s’occupe nous intéressent par l’attrait du plaisir ; c’est qu’on ne nous trompe pas sur ce que nous