Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/519

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à peu-près la même différence qu’entre des objets aperçus au travers les flots d’une onde agitée, ou réfléchis par le cristal uni d’une eau pure et tranquille. Eh ! qui de nous n’a pas éprouvé que le même drame qui nous enchantoit, s’il retentissoit à nos oreilles, animé par les accens d’une voix tendre et mélodieuse, ou par une déclamation véhémente et passionnée, n’étoit, lorsque nous le soumettions à la lecture, qu’un ouvrage froid, insipide, souvent plein de défauts que la magie des sons avoit fait disparoître ! Combien donc se trompèrent ceux de nos écrivains qui tentèrent de transporter dans notre langue les formes et les combinaisons grecques et latines ? Familiarisés avec les langues anciennes, ils crurent que l’art de la parole devoit avoir les mêmes principes dans tous les temps et dans tous les lieux. Ils sentirent les besoins de la langue ; mais ils se méprirent sur les moyens d’y suppléer.

Ce ne fut que vers le commencement du siècle dernier, quand la France, trop long-temps agitée, vint enfin à respirer, quand la paix ranima le goût des lettres et des arts, que la langue, en suivant les progrès des mœurs, commença à prendre de la consistance.

Un philosophe assis aujourd’hui parmi vous[1],

  1. M. l’abbé de Condillac, Origine des connoissances humaines.