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DE L’ELBE AUX CARPATHES

pets, les statues tourmentées de saints que le xviiie siècle y a ajoutées, ce pont en dos d’âne est un des monuments les plus curieux et les plus justement célèbres de Prague.

Et, franchie la Porte de la Cité, nous voici sur le quai de la rive droite de cette Vltava, axe sinueux de Prague. En face de nous, se détachant sur un ciel perle où luit un soleil d’automne encore chaud, se dresse l’inoubliable silhouette de Hradeany voilée d’une légère brume. Derrière le vieux pont Charles, des tours, des clochers, des maisons à pignons encadrées de jardins escaladent la colline au sommet de laquelle la cathédrale ogivale dégage de la lourde masse amorphe du château la svelte élégance de ses flèches ajourées. À nos pieds, les eaux de la rivière scintillent du reflet mouvant de ce paysage qu’on dirait de rêve.

C’est là, ou bien du haut du plateau même de Hradcany, qu’apparaît nettement le caractère de cette noble cité. Certains de ses habitants voient dans Prague une ville « baroque » dont le charme réside dans les monuments de ce style jésuite, imitation parfois surchargée du style de Mansard, que le xviiie siècle autrichien a élevés. Pourtant, depuis les fines dentelles de la cathédrale jusqu’au flamboiement de la Tour Poudrière, en passant par le vieux pont et ses portes, par l’Hôtel de Ville et par les délicats clochetons de la basilique de Tyn, le panorama est pour ainsi dire dominé par des édifices gothiques qui en font l’armature. Or, ces trésors d’architecture, faits en toute probité de pierre massive et conçus sous l’aspiration des artistes français que les Luxembourgs avaient su attirer, rappellent aux Tchèques la période la plus réconfortante de leur histoire nationale. Les autres, monuments de conception italo-germanique, avec leur ornementa-