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DE L’ELBE AUX CARPATHES

simple vue révèle avec une infaillible évidence le caractère de celui qui fut le maître de ces lieux.

N’attendez pas que je vous décrive les somptueuses œuvres d’art assemblées là. il n’y en a pas, ou du moins, s’il y en a, elles sont si bien perdues parmi les panoplies, les trophées de chasse et les vulgaires imageries militaires, que l’œil ne les perçoit pas. François-Ferdinand n’avait aucun goût pour les délassements d’ordre intellectuel. Sa seule passion semble avoir été la tuerie, et ses collections renferment les instruments de mort les plus divers : couteaux, coutelas, poignards, sabres, épées, mousquets, arquebuses, fusils, coulevrines ou canons. Où l’œuvre d’art aurait-elle pu trouver place là-dedans ? Pas même dans les lithographies qui courent le long des corridors, ni dans les livres qui garnissent les rayons d’une maigre bibliothèque, à peu près tous ouvrages de vénerie ou de guerre.

Une salle aménagée sous la terrasse témoigne, il est vrai, d’autres soucis. Elle présente au premier regard d’intéressantes statues, notamment des œuvres en bois polychromé dont certains amateurs feraient leurs délices. Mais l’ensemble, lorsqu’on l’a parcouru en entier, laisse plus l’impression du bric-à-brac d’un antiquaire monomane que d’une galerie d’art. Aussi bien François-Ferdinand avait-il d’autres pensées que d’art. Il avait voulu réunir en ce lieu (et il y avait réussi) les plus hétéroclites objets célébrant saint Georges, depuis les sculptures d’église jusqu’au plus commun des boutons en métal repoussé. En ce saint terrassant le dragon, l’héritier du trône des Habsbourgs voyait encore, sans doute, le symbole de la lutte et de la tuerie, et, dans sa manie, s’associaient sa proverbiale bigoterie et son amour de la guerre.

Le lieu était donc bien choisi, dans ce cadre si