Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/10

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présence était désirée, souhaitée, attendue tous les soirs dans les salons les plus célèbres de l’époque.

Par le prestige de son art si neuf, si sincère, par son élégance aussi, il faut le dire, ce beau jeune homme était un des rois, ou pour parler le langage du temps, un des lions de Paris.

De plus n’était-il pas Polonais en ce temps où l’on plaignait tant l’infortunée Pologne ? C’est dire qu’il charmait le cœur de multiples admiratrices et s’attirait beaucoup d’envieux ; ce dont il ne tirait nulle vanité du reste. Bien que conscient de sa valeur, Chopin était dénué de prétention ; son esprit, sa gaîté, son aimable caractère en faisaient un compagnon des plus agréables.

George Sand avait conquis une renommée éclatante par des romans très vite fameux : Indiana, Lélia, Jacques. La Revue des Deux Mondes publiait ses ouvrages dont les péripéties étaient suivies avec curiosité, avec passion par une foule de lecteurs. Bref, George était, à trente-deux ans, la femme la plus célèbre de France. Elle n’était d’ailleurs pas sans charme, et ses grands yeux noirs, ses yeux de velours mat avaient commis bien des ravages. Sandeau, Musset, le docteur Pagello, Prosper Mérimée, Michel de Bourges — pour ne citer que les noms les plus connus — s’étaient, de 1830 à 1836, succédés dans la vie de cette ennemie du mariage.

Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George Sand, avait deux enfants : Maurice, fils du mari, du banal baron Casimir Dudevant, et Solange, fille — on le sait à présent — de Stéphane Ajasson de Grandsagne, le gentilhomme berrichon qui fut peut-être le premier