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Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/105

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Barcelone nous avait mis à sec, et malgré toute la confiance que nous avons dans le bon vouloir et la grâce parfaite du Docteur nous avions refusé ses offres. Les artistes ont une si mauvaise réputation d’emprunteurs que nous n’aimions pas à laisser voir notre misère. Heureusement, elle cesse dès que la poste ne retient plus nos manuscrits.

Notre petit Chopin va de mieux en mieux, le Docteur l’a tâtonné sur toutes les coutures et ne lui trouve aucune lésion, aucune cavité, aucun mal sérieux. Il le soigne comme son enfant, le voit soir et matin, le promène, le dorlotte, le comble de petits soins. C’est un bien aimable et bien excellent homme. Quoi que vous en disiez, je le crois bon médecin, consciencieux et attentif.

Il nous disait aujourd’hui (nous dînions chez lui) que vous aviez déployé ici, dans l’affaire de votre moulin à vapeur, plus d’activité, d’énergie et de talent qu’aucun ministre n’a jamais fait en France. D’où je conclus, Chère, que si Louis-Philippe n’était pas un sot, il vous enverrait le porte-feuille et vous nommerait président des ministres.

Puisque vous êtes un si habile homme, vous allez me mener Buloz de la belle manière pour mon affaire de Lélia. Au reste je me suis souvenue que je lui avais laissé un mémoire de tailleur, et le soin de payer à Charpentier les cadres de nos portraits, ce qui nécessairement doit rabattre huit cents à mille francs de mes prétentions. Voyez, Chère, à ce que du moins il paye ces dettes s’il m’en retient le montant. J’ai de quoi aller quelque temps avec ce qu’il m’enverra. Chopin de son côté a travaillé, et va rouler sur l’or.