campagne quelque bastide meublée. Au mois de mai, nous irons à Nohant et en juin vraisemblablement à Paris, car je crois que c’est encore le pays où l’on peut vivre le plus libre et le plus caché. Plus je vais et plus la vie retirée m’est nécessaire, l’éducation de mes enfants me tient clouée, mes travaux deviennent aussi plus sérieux, ou au moins moins frivoles. Je voudrais m’établir à Paris, mais pour cela il faudrait me meubler et je ne vois pas que j’aie de quoi, à moins que Buloz ne se décide à me réimprimer et à me verser une vingtaine de mille francs d’avance ; c’est à quoi je voudrais peu à peu l’amener. […] Comme l’Economie politique de Reynaud,[1] est une magnifique prédication aussi ! Je l’ai lue la veille de mon départ de la Chartreuse, tout haut à Chopin et à Maurice, qui n’en ont pas perdu un mot, voilà la morale et la philosophie que j’entends, celle que tout esprit candide peut aborder d’emblée sans y être préparé par de longues études et sans être rompu à un long usage de convention. Il est vrai que tous les sujets ne peuvent se traiter aussi clairement, mais quel beau parti il a su en tirer de celui-là ! Décidément, ce sont deux hommes de l’avenir et l’humanité qui ne les connait pas aujourd’hui, leur élèvera un jour des autels. […] Adieu, chère, mille fois chère.
Parlez-moi de Manoël, revient-il, avez-vous de bonnes nouvelles de lui ? Son frère est bien je crois tel que vous le dites et associé à qui vous dîtes. Nous
- ↑ Jean Reynaud (1806-1863), philosophe français, adepte des doctrines saint-simoniennes. Auteur de l’Encyplopédie nouvelle (1836-1841), en collaboration avec Pierre Leroux.