Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/125

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que j’ai ramené d’Espagne en bien mauvais état de santé et qui n’est pas plus capable que moi d’aller vite. Tout cela, c’est pour te dire que je n’arriverai guère à Nohant que vers le quinze car le voyage est long si nous sommes forcés de passer par Lyon.

Dans ce moment, je cherche à louer une voiture qui me conduirait par Clermont, ce qui abrégerait beaucoup ma route. […]

59. — George Sand à la comtesse Marliani, à Paris.

Marseille, 28 avril 1839.

[…] On lui a fait ici [à Nourrit] un très maigre service funèbre, l’évêque rechignant. Je ne sais pas si les chantres l’ont fait exprès mais je n’en ai jamais entendu chanter plus faux. Chopin s’est dévoué à jouer de l’orgue à l’élévation, quel orgue ! C’était, dans la petite église de N. D. du Mont, un instrument faux, criard, n’ayant de souffle que pour détonner. Pourtant notre petit en a tiré tout le parti possible. Il a pris les jeux les moins aigres et il a joué les astres non pas d’un ton exalté et glorieux comme faisait Nourrit, mais d’un ton plaintif et doux comme l’écho lointain d’un autre monde.

Nous étions là deux ou trois au plus qui avons vivement senti cela et dont les yeux se sont remplis de larmes ; le reste de l’auditoire qui s’était porté en masse et qui avait poussé la curiosité jusqu’à payer 50 centimes la chaise (prix inouï pour Marseille) a été fort désappointé, car on s’attendait à ce que Chopin fasse un vacarme à tout renverser et qui briserait pour le moins deux ou trois jeux d’orgue.