désavoue, et on peut tout exiger d’un homme excepté une lâcheté et un crime. Hors ce cas-là, mon ami, c’est-à-dire hors le cas où il voudrait accomplir un sacrifice trop rude, je pense qu’il ne faut pas combattre ses idées, et ne pas violenter ses instincts.
Si son cœur peut, comme le mien, contenir deux amours différents, l’un qui est pour ainsi dire le corps de la vie, l’autre qui en sera l’âme, ce sera le mieux, parce que notre situation sera à l’avenant de nos sentiments et de nos pensées. De même qu’on n’est pas tous les jours sublime, on n’est pas tous les jours heureux. Nous ne nous verrons pas tous les jours, nous ne posséderons pas tous les jours le feu sacré, mais il y aura de beaux jours et de saintes flammes.
Il faudrait peut-être aussi songer à lui dire ma position à l’égard de M[allefille]. Il est à craindre que, ne la connaissant pas, il ne se crée à mon égard une sorte de devoir qui le gêne et vienne à combattre l’autre douloureusement. Je vous laisse absolument le maître et l’arbitre de cette confidence ; vous la ferez si vous jugez le moment opportun, vous la retarderez si vous croyez qu’elle ajouterait à des souffrances trop fraîches. Peut-être l’avez-vous déjà faite. Tout ce que vous avez fait ou ferez, je l’approuve et le confirme.
Quant à la question de possession ou de non-possession, cela me paraît une question secondaire à celle qui nous occupe maintenant. C’est pourtant une question importante par elle-même, c’est toute la vie d’une femme, c’est son secret le plus cher, sa théorie la plus étudiée, sa coquetterie la plus mystérieuse. Moi, je vous dirai tout simplement, à vous, mon frère et mon ami, ce grand mystère sur lequel tous