Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/75

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qu’à sa demande instante je les lui avais données pour qu’il les adresse à son père à Berlin.

Tous ces poux me démangent moins à présent. Que Léo soit furieux, soit ! Seulement, j’ai pitié de toi, mais au plus tard dans un mois tu seras délivré de tes tracas avec lui et avec mon propriétaire. Emploie, s’il le faut, l’argent de Wessel.

Que fait mon domestique ? Donne de ma part vingt francs[1] d’étrennes au portier quand tu auras reçu l’argent et paye le fumiste s’il vient. Je ne crois pas avoir laissé quelque grosse dette. En tout cas, je te le promets, nous serons quittes dans un mois au plus tard. La lune est admirable ce soir. Jamais je ne l’ai vue aussi belle. À propos ! tu dis m’avoir fait suivre une lettre des miens. Je n’ai rien vu, ni reçu. Et pourtant, elle me serait si nécessaire. L’as-tu bien affranchie ? Quelle adresse as-tu mise ? La seule lettre qui, jusqu’à présent, m’est parvenue de toi était fort mal adressée. N’écris donc jamais « junto » sans précision. Le monsieur chez qui on peut m’écrire (un grand imbécile par parenthèse) se nomme Riotord. Je te donnerai la bonne adresse.

[Chopin avait d’abord écrit puis biffé : Je préférerais que tes lettres me fussent envoyées là où je suis, et mon piano aussi.] Le piano attend depuis huit jours dans le port la décision de la douane qui réclame des montagnes d’or pour cette cochonnerie. Ici, la nature est bienfaisante, mais les hommes sont voleurs. Ils ne voient jamais d’étrangers, aussi ne savent-ils quel prix

  1. Vingt francs-or, soit environ quatre mille francs de la monnaie d’aujourd’hui.