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chemin de croix

qu’il surveille et examine les petites têtes brunes et blondes qui nous sont partout si chères.

Un soir, hélas, j’eus froid au cœur ; je venais d’entendre nettement, de la chambre voisine, mon Gabriel, mon petit Gabriel, tousser dans son sommeil de cette toux spéciale que n’ignorent point les connaisseurs. Il y a des sanglots dans cette toux-là.

En levant subitement les yeux de dessus mon livre, je rencontrai le regard navré de ma femme déjà rivé sur moi. Ni l’un ni l’autre ne bougèrent cependant. Sans échanger un mot, nous nous étions compris et nous avions tous les deux peur de parler.

Un quart d’heure s’écoula. Tout à coup ma femme, sans ajouter pourquoi, mais comme continuant une conversation secrète entre nous :

— Il faut que tu promettes un chemin de croix.

Ah ! la prière, à ces heures de détresse pénible, on s’y rattache instinctivement comme à une épave ; c’est là que les femmes, dans leur grande âme, trouvent la force de tous leurs sacrifices. Et si réfractaires que nous soyions nous-mêmes, Dieu, c’est encore pour nous le meilleur baume à certaines désespérances.

Je le promis volontiers ce chemin de croix, et c’est lui que je me suis