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V


C’est maintenant tard en automne.

Plus de feuilles aux arbres, plus de trèfles verts dans les champs, plus de brises, plus de parfum… rien que des soleils morts, des rafales glacées et des sèves taries partout.

Mais l’espérance des jours à venir et des moissons abondantes reste quand même, et à travers cette désolation de novembre, un homme se promène dans son champ, au pas lent de ses chevaux.

C’est la saison des labours, cette violente scarification qui dispose la terre pour les semailles du printemps et en stimule d’avance la fécondité et la libéralité.

Claude, qui est de l’école et de la race des vrais paysans, tranche lui aussi du soc de sa charrue tout son champ en sillons égaux. La terre fumante qu’il retourne dans la va-et-vient monotone de ses chevaux, se couche en vagues ondulantes semblables aux flots pressés du Richelieu sous les brises d’ouest.

Le sable des chaumes durcis grince sur le fer ; tout le sol résiste et se lamente avant de s’entrouvrir sous la bienfaisante blessure qui le déchire sans merci.

Au bout du champ, l’attelage un instant suspendu, pivote sur lui-même. Claude, d’un effort vigoureux de ses bras retourne la charrue dont il replonge le fer luisant pour ouvrir un autre sillon, et de nouveau le