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Claude Paysan

toujours battre les blés ?… ah ! non… Je lui demanderai d’autres choses à la terre, des choses que celle d’ici ne donne point… Un bon jour, et il allongeait le bras dans un geste lointain qui reculait l’espace jusqu’à l’infini immense, je m’en irai là… je t’amènerai et tu viendras, toi aussi, par exemple…

Mais Claude ne voulait point, disait non lentement d’un roulement de la tête, car il était essentiellement paysan, un de ces vrais fils de la glèbe grandis dans l’odeur enivrante des foins coupés et des friches généreuses.

… C’était bon pour lui, Jacques, ces hantises d’éloignement et d’œil, pensait-il en lui-même.

En effet, c’était bon pour lui, venu d’au-delà des mers comme un colis quelconque mal adressé. Car où s’en allait-il – le savait-il, seulement – porté par le lourd steamer qui l’avait pris enfant aux côtes de la verte Irlande pour le transporter sur la vieille terre française de Québec ?

Ici on l’avait encore ballotté d’un endroit à l’autre, d’un refuge à l’autre ; examiné, palpé, tâté comme un petit bétail de commerce. Un jour quelqu’un se présenta qui, le trouvant à son goût, l’amena.

Et ce fut ainsi qu’il devint le voisin, puis l’ami de Claude, et bientôt son compagnon inséparable de travail, de plaisir et de chimères.

Il s’appelait alors Jack, le petit Jack Dufferin ; puis la rudesse anglaise de son nom s’était polie, usée au contact de notre langue, jusqu’à n’être plus maintenant que Jacques Dufresne.

Avec son front hardi, ses yeux vifs et pénétrants,