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Claude Paysan

— Il y en a de jolies pourtant… continuait-il toujours… Louise Lortie, Berthe… Julie… Jeanne Lebrun… Moi, ce sont des filles, trop au-dessus de moi et que je n’aurai jamais, qui me plaisent… des demoiselles enfin… comme Fernande…

Emporté dans l’aveu plein de franchise de ses désirs ambitieux, Jacques avait nommé Fernande simplement comme il en aurait, nommé une autre. Mais Claude qui voyait sa poitrine se gonfler, se gonfler jusqu’à ne pouvoir plus respirer à l’énumération de noms que faisait son ami, craignait qu’à la mention de celui-là, un flot parti du cœur ne vint le trahir soudainement et il ressentait une angoisse affreuse l’envahir. En même temps, un brouillard vague, descendu devant ses yeux, troublait son esprit, fondait ensemble toutes les choses autour de lui, Jacques, les épis mûrs, les grandes solives en traverses, les rayures claires que faisaient les fentes des planches mal jointes de la charpente.

Heureusement, Jacques reprenait de nouveau :

— Oui, j’irai… C’est plus fort que moi ; je sens que j’irai un jour… seul alors. Je suis robuste comme deux, j’amasserai de l’or pour deux. Et je reviendrai ensuite te voir, Claude, pour partager.

Puis, gaiement, dans la mobilité de pensées qui lui était naturelle, il empoigna son fléau et se remit à battre avec vigueur.

Comme Claude, perdu dans son nuage, ne se joignait pas à la cadence, il entonna en parodiant :