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prétend-on, de fouiller jusque dans les cerveaux — n’existe point, il s’échange tout de même parfois entre les êtres, d’une âme à l’autre, d’inexplicables et mystérieux effluves qui les font spontanément se deviner. Toutes deux, en se retrouvant, avaient senti cet effluve et éprouvé en même temps le besoin de s’y soustraire. C’est-à-dire que toutes deux avaient senti leur pensée soudainement traversée par l’image de Yves. Pourquoi ?… Chez Jacqueline, dont la pensée muette haletait sans cesse au souvenir de Yves, rien d’étonnant sans doute à ce que ce souvenir se fût subitement ravivé à la seule vue de Marcelle ; mais chez Marcelle elle-même, pourquoi le même souvenir imprévu s’était-il présenté ?

Comme si elle eut craint de dévoiler ou trahir quelque sentiment qu’elle désirait taire et pour se cacher d’avance de tout regard, indiscret, Jacqueline avait entraîné Marcelle jusque dans l’ombre retirée de son boudoir de jeune fille.

— « Méchante, va, » répéta-t-elle de nouveau doucement… « Est-ce que cela m’importe l’état de tes robes, pourvu que je retrouve « dedans » ma même Marcelle ? S’il est vrai que nous n’avons pas eu l’occasion de beaucoup nous voir en ces derniers temps, c’est que j’ai été plus que de coutume retenue à la maison… L’habitude en est si vite prise d’ailleurs que, sais-tu, je me sens maintenant presque dépaysée hors de chez moi ?… On traverse des périodes comme ça… sans trop en saisir la raison »… Puis après un moment : « Cela ne t’est-il jamais arrivé ?… »

— « Oui,… seulement… » et Marcelle s’était ar-