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XIX


Les jours avaient filé depuis.

Ce soir-là, le docteur Verneuil avait à peine quitté le perron et franchi l’avenue de la demeure tranquille que les Duvert habitaient sur les bords du Richelieu que Jacqueline, sitôt la porte refermée, avait croulé sur elle-même dans une irrésistible détente de tout son organisme. Elle s’était abattue dans un fauteuil, la tête dans ses mains. Et dans le tumulte de pensées qui l’agitaient, un sentiment plus troublant que les autres dominait : le sentiment humiliant du rôle qu’elle jouait, avivé de plus par l’angoisse de ne pouvoir arracher de sa figure le masque menteur qu’elle se voyait condamnée à porter, masque d’indifférence pour Yves — et c’était le plus douloureux — masque d’apparent intérêt pour Verneuil, de duperie pour Marcelle, pour son père, pour tous ceux de son entourage.

C’est le poids de ce masque qui l’obligeait sans trêve à se triturer le cœur, et qui, ce soir-là, l’avait écrasée comme une loque. Elle avait été bien près, tantôt, devant Verneuil, de lâcher prise tout à coup et de lui attester, dans un cri de sa conscience, que jamais rien ne saurait supplanter l’amour profond