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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/160

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— « C’est vrai que j’ai de la peine… je voulais vous parler… Vous m’avez déjà dit si juste, bien que je me refusasse à vous croire… »

— « Cela ne marche pas à ton gré, n’est-ce pas, mon pauvre Yves ? »

— « Non, pas à mon gré. »

— « Tu n’as pas beaucoup à m’apprendre, va, car il m’a semblé à ta figure qu’il se passait quelque chose d’inaccoutumé chez toi. Mais à ton âge, Yves, on doit être aussi vite relevé qu’abattu ; tant d’autres voies restent à tenter quand l’une se ferme. »

Le père de Beaumont s’était arrêté pensif. Il reprit : — « Il n’y a rien après tout qui te lie, pas plus au métier que tu fais qu’à la Poudrerie elle-même ? »

— « Non, rien, en réalité ! Pourtant j’avais si sincèrement compté m’y faire un sort brillant ; j’aurais été si fier aussi d’opposer mon succès à la piètre opinion que vous avez — avec tant d’autres, je le sais — de l’habileté en affaires de nos compatriotes. Hélas ! je ne viens au contraire que la confirmer dans votre esprit. »

Le vieux de Beaumont le laissait dire en silence, navré sans doute de son accent désolé, mais traversé au fond malgré lui par un imperceptible rayonnement intérieur. Si son fils allait être repris par la terre ; s’il allait lui rapporter ses deux bras, en y joignant cette fois son cerveau et toute la forte culture intellectuelle qu’il avait acquise. Quel complet paysan il serait. Et quelle somme d’énergie nationale plusieurs hommes pareils à lui infiltreraient à la race.