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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/165

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sinées tout à coup avec plus de précision dans son esprit.

… En effet, comme il les voyait loin — lui que caressait à cette heure-là l’épuisante brise de l’Équateur — sa montagne, son petit village canadien et tous ceux qu’il avait laissés, presque dans un rêve, sans bien s’en rendre compte, en somnambule. Et de même que l’on feuillette un livre, afin de revenir à certaines pages qui nous ont davantage émus, Yves s’était mis à refaire à rebours les diverses étapes que depuis quelques semaines il avait traversées. Car c’était vrai que, depuis sa brusque résolution de départ, il avait, dans toutes ses démarches, obéi à une espèce de vertige, à quelque secrète impulsion.

D’abord, cela avait été cette hantise soudaine d’éloignement qui lui était venue ; une oppression à ne pouvoir plus respirer l’air même de son village. Il avait bien senti qu’il allait quitter les siens, tout abandonner de son pays, peut-être pour n’en rien revoir plus tard, qu’importe, il s’était empressé de se pourvoir des certificats réglementaires et n’avait éprouvé de calme qu’une fois enrôlé, son livret de soldat en poche.

Et tout de suite cela avait été ses prompts préparatifs de départ et son départ lui-même de la maison.

Pour ça, par exemple, le souvenir lui en était demeuré plus précis et plus lancinant et pour le faire sourdre au milieu même des martèlements de talon des exercices ou à travers le susurrement aigre du vent dans les cordages, il n’avait qu’à y arrêter un instant son esprit. Aussitôt une figure s’en détachait ;