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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/204

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Chez le vieux de Beaumont, l’arrivée de Jacqueline répandait de même un adoucissement intérieur. En effet, depuis le jour où il l’avait vue pleurer avec lui, comme lui, à l’occasion du départ de Yves, il subsistait entre eux une espèce de complicité silencieuse, timide, inavouée. Sans réfléchir sur la nature des larmes qu’elle avait alors versées, il avait été touché de sa sympathie à l’égal d’une caresse accordée à son fils.

Cela lui causait même quelque gêne en sa présence. Et quand il la voyait arriver, il faisait mine de se retirer discrètement sous le prétexte de ne point troubler l’intimité de ses entretiens avec Marcelle. « Les vieux, c’est si peu amusant, » émettait-il en souriant.

Mais Jacqueline l’interpellait doucement, l’attirait, le retenait par une allusion à l’abondance des moissons, à la belle tenue de son champ. Elle glissait une réflexion sympathique sur le compte de Yves, si loin là-bas, à la guerre… « En avait-il reçu récemment quelque nouvelle ?… » Et alors c’était plus fort que lui, le pauvre vieux, il ne pouvait plus se dérober, content maintenant de tout dire, de s’épancher, et de l’écouter discourir surtout cette petite Jacqueline qui s’intéressait si sagement aux travaux de la terre, lui parlait toujours de Yves, lui donnait les derniers détails publiés par les journaux sur la marche et la fin probable de la guerre, lui rapportait les réflexions faites à ce sujet par son père, le docteur Duvert. « Ah ! ils avaient été crânes, nos jeunes volontaires de Québec… à Paardeberg… à Blomfontein… partout, paraît-il. »