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avec joie, à Marcelle, un bon soir qu’il arrivait du village. Se basant sur les dernières dépêches, il s’était aussitôt mis à supputer mentalement les distances, un peu contrarié en lui-même à cause des réceptions officielles que l’on projetait, ici et là, et qui sans doute allaient entraîner des retards.

— « Il ne sera pas ici avant trois ou quatre jours », avait-il conclu amèrement, comme frustré dans ses droits et sa tendresse de père au profit d’étrangers.

Mais, à l’opposé de ses prévisions, son voisin Lusignan était accouru dès le lendemain lui apporter un télégramme dont on l’avait chargé en passant au bureau. Devinant tout de suite qu’il était de Yves, le vieux Beaumont l’avait ouvert avec empressement. Il lut : « Arriverai à Saint-Hilaire à cinq heures… express maritime… Vous embrasse tous. Yves. »

Il avait pourtant été bien pur le sursaut d’allégresse qu’il avait éprouvé à la nouvelle de l’arrivée prochaine de son fils, mais il est si vrai qu’aucune joie humaine ne puisse naître ici-bas sans qu’une ombre ne s’interpose aussitôt et n’en altère la sérénité, qu’à l’heure où tous ses vœux allaient être satisfaits il sentit à la même minute un serrement peser sur sa poitrine : C’était à la fois l’appréhension cuisante d’avoir à annoncer à Yves le départ sans retour possible de Lucas et la stupéfaction que d’avance il imaginait sur sa figure.

Qu’importe, c’était à un de Beaumont, doublé d’un soldat, qu’il allait s’adresser et pour quiconque porte ces deux titres, avait-il fermement réfléchi, il ne