Aller au contenu

Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 222 —

propres gens de Saint-Hilaire sous le costume burgher. »

— « Oui, tu nous le notais dans une de tes lettres… J’ai hâte de t’entendre nous raconter tout ça. »

Mais ce n’était pas de ces choses que Yves voulait aujourd’hui parler, car deux ou trois questions parurent se presser à la fois sur ses lèvres. Après un moment d’hésitation, il ajouta, seulement :

— « Vous aussi vous devez avoir beaucoup à me dire, n’est-ce pas ? »

— « Oui, beaucoup en effet, mon Yves… Si tu savais, mon pauvre Yves »… répliqua sourdement le père Beaumont, la pensée déjà pleine du souvenir de Lucas.

Sans le regarder, au seul tremblement de sa voix, Yves perçut que le moment douloureux qu’il appréhendait était déjà arrivé, et pour lui épargner le supplice des confidences, l’assurer tout de suite avec fierté que lui aussi ne condamnait pas, ne rougissait pas, n’avait personne à renier, il s’empressa de reprendre :

— « Je sais tout… tout… Nous pouvons passer le front haut, vieux père… Lucas ne reste-t-il pas un homme de cœur aux yeux de ceux qui sont eux-mêmes des hommes de cœur ?… Se trouve-t-il quelqu’un pour le blâmer ? »

— « Tu sais tout, vrai ? » avait murmuré le père Beaumont, dans un bégaiement attendri où se reflétait sa joie de sentir enfin s’évanouir le tourment si longtemps redouté : celui d’entendre jaillir des lèvres révoltées de Yves des paroles de condamnation et