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des potions, les étiquetait : « Une cuillerée à soupe, trois fois par jour ! »

Comme Jacqueline ne recevait pas de réponse, elle reprit presque en elle-même :

— « Et elle a des enfants ?… Semble-t-elle heureuse, au moins ?… Jamais je n’aurais imaginé la retrouver convertie en paysanne, en « habitante ».

Le docteur songea un moment :

— « Convertie en paysanne, dis-tu ?… Tu as peut-être le mot juste sans t’en rendre compte… « Convertir » cela sous-entend une amélioration, un perfectionnement, une promotion. Devenir paysanne, dans le sens noble du mot, c’est monter, crois-le bien, Jacqueline ? »

— « Si c’est drôle tout ça… Et son mari, quel air a-t-il ? j’ai hâte de le voir aussi… Son mari ; … mais notre vieille Marianne ne nous disait-elle pas, hier, qu’il était buveur ? »

— … ?……

— « Pauvre Marcelle… Il y a déjà plusieurs années que je ne l’ai vue, reprit-elle. J’étais alors toute jeune. Vais-je la retrouver bien changée de figure ? Comme cela marche curieusement dans la vie. »

— « La vie… la vie… tu oses en parler ?… Tu la trouves déjà étrange ? »

Et avec un sourire tendre qui exprimait combien il s’apitoyait et se réjouissait en même temps devant l’inexpérience naïve de sa fille, il acheva dans un mouvement de caresse :

— « Qu’est-ce que tu diras donc, quand il aura un peu « poudré » sur ces blonds cheveux-là ?… »