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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/266

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— « Tiens, c’est une chance que je m’en sois aperçu… l’avaloire se serait rompue en chemin, » fit-il au bout d’un temps de silence, en constatant l’entaille profonde que l’ardillon de la boucle avait à la longue creusée. — « Ce serait drôle de voir comment Yves, avec son manque d’habitude, se prendrait pour recoudre ça… Ce n’est pas de sitôt qu’il atteindra l’adresse de Lucas en ce genre de travail. »

Il retournait le harnais en tous sens, l’éprouvait pièces par pièces. « Il est encore solide, sais-tu ?… Lucas ne l’avait point payé cher. »

Lucas… encore le nom de Lucas. C’était donc fait exprès ce rappel du fils perdu, au moment où Marcelle se débattait elle-même contre son souvenir, arrangeait des phrases qui aussitôt lui paraissaient trop pénibles, en combinait d’autres, dévidée cette fois à la confidence qu’elle avait jusque là hésité de faire.

Avec un regard d’une douceur extrême, elle s’était rapprochée du vieux de Beaumont, comme pour suivre de plus près son travail. Longtemps elle le regarda en silence, pendant qu’il reprenait son toujours même geste d’enfoncer son alêne, de plonger et tirer le fil.

— « Je ne vous en ai pas encore parlé… Lucas m’a écrit », prononça-t-elle.

S’apercevant de l’accent grave et changé de Marcelle, il resta sans rien dire. À la fin :

— « Il demande que tu le rejoignes ? »

— « Oui. »

— « Et tu iras ? »

— « Oui… »