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entraîne, vous donne le vestige, vous broie le cœur, et vous trouvez cela doux ; la meurtrissure que vous éprouvez vous donne presque la sensation d’une caresse…

— « Tu sentiras cela, un jour. Tu verras bien, Jacqueline. »

C’est dans de telles conditions qu’ils s’étaient épousés, mis en ménage là-bas. Et comme Marcelle avait toujours rêvé ça : un carré de jardin, une maison tranquille sous les arbres, un pan vert de montagne, — pareil à celui qu’elle apercevait autrefois de la fenêtre de son couvent et qu’elle avait toujours retenu dans son esprit — ce fut avec une joie bien vive qu’elle applaudit au projet que lui avait communiqué dernièrement son mari de venir prendre la direction de la vieille ferme paternelle. Elle avait aussi pensé qu’ils se trouveraient alors plus éloignés des villages, des vilaines compagnies ; elle garderait sans doute plus assidûment son mari auprès d’elle.

Ils n’étaient pas riches ; leur ameublement n’était pas luxueux non plus. Cela lui importait si peu d’ailleurs, expliquait-elle à Jacqueline, et elle l’entraînait à travers les diverses pièces de la maison, lui exhibait sans gêne son installation d’humble : des « habitants » après tout qu’ils étaient, cela devait se concevoir, quoi. Elle lui exhibait aussi les couvre-pieds à carreaux blancs et rouges, les tapis en « catalogues » à nuances multiples, les rideaux qu’elle avait elle-même confectionnés ; puis son trousseau de jeune mère, des camisoles d’enfant, des layettes à den-