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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/271

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un peu de fée occupé à régenter à leur fantaisie les cœurs de leurs administrés ?… C’était son rêve, ce Yves. »

S’il avait déjà lui-même noté les attentions de sa fille, il n’y avait vu toutefois que la manifestation d’une légitime sympathie envers un jeune homme dont les aventures avaient défrayé la chronique paroissiale. Personnellement il avait toujours estimé et admiré Yves. Peut-être l’aimait-il même…, depuis le soir surtout où il l’avait vu, au Brulé, prêt à semer, pêle-mêle avec son blé, tant de germes féconds dans le terroir canadien. Qu’il pût lui devenir plus cher encore, jusqu’à entrer dans sa famille, nulle induction ne l’y avait préparé.

Cette éventualité lui sourit toutefois sur le champ. Le père de Beaumont parti, il se prit à réfléchir longuement sur la proposition qu’il venait de recevoir de ce brave homme.

Mais dans quel tréfonds imprévu ne s’était-il pas aussitôt senti emporté, avec de ces arrêts, de ces brusques ressauts qui tantôt suspendaient sa pensée, tantôt l’entraînaient dans les plus étranges complications. Jusque-là, il n’avait pensé qu’en homme, seulement en homme pour qui l’affection tient lieu de tout ; il ne s’était jamais arrêté à méditer avec la conscience inquiète du père. Quelle différence il y a cependant.

J’ai rêvé le bonheur pour ma Jacqueline, se disait-il, est-ce que ce paysan me l’offre ? Jadis, je cherchais ce trésor dans la santé, les honneurs, les succès : j’ai rencontré tout cela sans les goûter et sur le coup