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d’un mouvement de caresse… « J’en serais si fier, moi, si heureux. Car où trouver un plus estimable garçon que ce Yves ? Instruit, pétri d’honneur et d’idéal, attaché aujourd’hui à la glèbe par toutes les fibres de son cœur et les élans de son intelligence, et de plus en état — à cette sèche époque où l’on ne se plaît qu’à noter l’absence des œuvres, non la rareté des hommes — de jouer un rôle très élevé dans son pays, à la simple condition de sentir sur sa manche de paysan la main d’une femme complice de son rêve et qui lui commanderait : Monte… Ah ! le beau, l’incomparable foyer — aussi sain pour le corps que pour l’âme, puisque ce serait un foyer rural — que nous nous étions, comme deux pauvres vieux fous, mis en frais de vous bâtir, le père de Beaumont et moi… Vois, nous te faisions l’héroïne du roman le plus complexe, le plus spontané, le plus vrai, partant le plus beau qu’un écrivain ait jamais écrit. »

— « Père, combien tu me tortures, » implora Jacqueline.

— « Tu sais mon admiration pour les enfants des champs… Ce n’est pas de l’état d’agriculteur de Yves que tu rougis, n’est-ce pas ? »

— « Certes, non… mais je ne peux pas, je ne dois pas épouser le fils de la mère de Beaumont… Ne m’interroge pas… Comprends donc… C’est si fourbe la vie, » finit-elle en phrases hachées par les larmes.

— « Grand Dieu ! tu me mets au supplice toi-même… Quoi ?… que signifie ?… Y aurait-il dans l’existence limpide de ma Jacqueline quelque chose