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terre, lui. Il est dans l’industrie ; à l’emploi de la grande fabrique de poudre de Belœil… Il espère aller loin… Mais tu sais, contre des concurrents anglais… Un beau grand garçon, l’air doux… »

C’était vrai, au fond, que Jacqueline ne connaissait pas Yves, qu’elle ne l’avait probablement jamais rencontré. Où avait-elle donc alors puisé les renseignements si complets qu’elle possédait déjà sur son compte ?… Car elle n’ignorait rien à son sujet, ni son nom, ni sa belle mine, ni son expression de figure, ni son état, rien… Pourquoi donc s’en être cachée et avoir répondu : non, à l’interrogation, en réalité bien indifférente de Marcelle, si ce n’est qu’elle la supposait tout à coup pleine de sous-entendus ? Et il lui vint la sorte d’embarras qu’on éprouve à être surpris un mensonge aux lèvres. Elle ne savait même plus où poser son regard et elle cherchait en vain les mots avec lesquels elle eut pu renouer la conversation. Subitement, comme très intéressée :

— « Oh ! Marcelle, tu possèdes une cheminée normande dans ta maison ? Que c’est charmant. »

— « Les chenets, va, ma Jacqueline, ce n’est pas là l’endroit où je pose le plus souvent les pieds. »

— « Si tu permets, je viendrai moi-même y jeter une bûche, l’un des premiers beaux soirs d’automne. »

Jacqueline avait tout de suite été envahie par le charme profond, presque sacré, qui se dégage de ces anciennes cheminées géantes, si bien placées pour symboliser le foyer, le véritable foyer familial. Les souvenirs intimes semblent tous s’y être blottis