Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/37

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du livre… Je parle des œuvres de fiction, tu comprends ? »

— « Il me semble pourtant que… »

— « Il te semble… » Le docteur se leva tout fier des objections que Jacqueline paraissait vouloir soulever… « Tiens, suis-moi bien, je vais te le démontrer. Tu lis présentement l’Émigré de Bourget — eh ! bien, dissèques-en chacun des chapitres ; tu découvriras immédiatement qu’aucun des personnages ne se peut transplanter ici. Fais le même travail d’analyse pour tout autre roman français, tu constateras presque toujours que les éléments qui le constituent, et en font la puissance ou la beauté, manquent absolument dans notre pays… »

— « Mais de Gaspé, Lajoie, de Boucherville, Marmette, Lemay, n’ont-ils pas produit de jolies choses ? » reprit vivement Jacqueline… « Jean Rivard, par exemple ? »

— « En effet, de jolies choses, c’est bon. Ils n’ont donné cependant que ce que notre milieu permettait de donner. Tu ne vas pas, je présume, établir de parallèle entre leurs œuvres et celles… Non, il est impossible que tu ne sentes pas autrement. Je suis content quand même de t’entendre : j’aime ça que tu m’objectes ton opinion. »

— « Alors tu considères que c’est le manque d’éléments constitutifs, selon que tu dis, qui entrave ici la production des œuvres de fiction ? »

— « Certes, oui. Mais note donc, Jacqueline, que l’écrivain canadien — je vais tout te dire, puisque ce sujet t’intéresse et que nous n’avons, d’ailleurs, rien