Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/53

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C’est même beaucoup à cause de l’ensemble délicat et affiné de son être, lequel semblait incompatible avec le rude travail requis par la terre, que son père avait cédé, non sans quelque regret, aux désirs qu’il avait exprimés dès son jeune âge de se livrer à l’industrie, au commerce, à l’exercice d’un métier quelconque, plutôt qu’à la culture du sol. Oh ! la terre ; ce n’est pas qu’il la détestait, au fond, mais là, il aurait préféré tenter autre chose.

Comment cet attrait lui était-il né, au sein de la campagne agricole qu’il habitait et en dépit de toutes les lois de l’atavisme ? Il n’y avait peut-être jamais réfléchi. Qui sait toutefois si certaines impressions n’avaient pas laissé chez lui d’invisibles et profondes empreintes ! Car, de tous les heureux citadins qu’il voyait, à l’époque des vacances, sillonner en yacht le Richelieu, traverser en tourbillon les routes publiques, soit en automobiles, soit au trot rapide de leurs chevaux, il avait bien observé que pas un ne labourait la terre, n’avait de vaches à traire, de bois à charroyer. Aussi combien de fois, son râteau fixé immobile aux mains, ne les avait-il pas admirés avec extase quand ils passaient, les petits comme les grands, les petits surtout !

Il les jugeait heureux.

Puis, s’il se trouvait en compagnie de son père, il s’informait hâtivement de leurs noms, voulait connaître leurs états.

— « M. Hanlan, dis-tu ?… Et que fait-il ?… »

— « Il est le gérant d’une fabrique de machines agricoles. »