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établie à Belœil, de l’autre côté du Richelieu, était déjà en pleine activité. Les vapeurs nitreuses qu’elle vomissait s’abattaient souvent en âcres rafales sur son village. Il résolut d’y aller offrir ses services.

Quoique cette fabrique fût installée en plein milieu français, la raison sociale à reflets britanniques sous laquelle elle était enregistrée : « The Hamilton Power Company », avait vite suffi à faire deviner la composition du personnel. Il trouva donc que les patrons et les chefs d’emplois étaient tous des Anglais, tandis que ses compatriotes français étaient relégués aux positions secondaires de tâcherons et de manœuvres. Il commençait par en ressentir quelque amertume. Il se résigna toutefois à s’enquérir. Un gérant très affable se présenta, et lui fit énumérer ses titres.

— « Et vous vous croyez qualifié suffisamment pour diriger le service de chimie ? » lui demanda-t-il avec intérêt et surprise à la fois.

C’était un emploi supérieur, il est vrai, mais ce gérant avait tout de suite mordu à l’offre de service que lui faisait Yves, car il avait entrevu l’occasion de remplacer enfin le buveur dont la compagnie par nécessité subissait depuis longtemps l’inconduite.

Avec ce flair en affaires dont ils sont tous doués d’ailleurs, il avait deviné, sous le ton pondéré et modeste de son interlocuteur, la présence d’une haute culture intellectuelle doublée de profondes connaissances scientifiques.

Yves lui posa deux ou trois questions, puis intime-