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Page:Choquette - La Terre, 1916.djvu/74

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parle de toi, » acheva Marcelle avec un air de demander à son amie si cela l’eut désappointée.

— « C’est vrai que je ne le connais pas encore, ton Lucas… Pourtant « connaître » n’est pas le mot juste, car je sais presque tout maintenant sur son compte. »

— « Oui, tout ?… » Et comme si devant les flammes, de nouveau discrètes et fuyantes de l’âtre, Marcelle eut trouvé une sorte de bonheur à rendre Jacqueline solidaire des secrets intimes de son foyer, elle ajouta : — « Tu sais qu’il boit ? qu’il est hautain ? que nous sommes pauvres, très pauvres ? Tu sais qu’il est allé ce soir payer une lourde dette ? »

— « Je me représentais un peu tout cela… à cause de certaines réflexions de mon père. »

— « Oh ! je ne cesse pas de l’aimer toutefois, mon Lucas, car je pardonne encore plus fort que je n’accuse. Pourquoi lui en voudrais-je d’ailleurs ? Il ne m’a point menti en se montrant avant le mariage sous un faux jour. « Je crois de toute mon âme assez vous aimer pour me corriger et vous rendre heureuse, c’est vrai. Mais vous, avez-vous le droit de jouer votre avenir sur un espoir aussi instable ?… et moi, ai-je celui de vous laisser ainsi aveuglément lier votre sort au mien ? Tant d’autres hommes que nous voyons autour de nous… tant d’autres, aussi forts et sincères que moi, ont succombé et n’ont abouti qu’à gâcher douloureusement le bonheur d’autant de femmes, aussi bonnes et dévouées que vous ne l’êtes… C’est cela qui m’épouvante parfois, » m’a-t-il dit simplement, certain soir, en me broyant